Portrait | Startup industrielle : Thomas Faure, CEO de Life-01

Aujourd’hui nous nous entretenons avec Thomas FAURE, Co-Fondateur et CEO de la startup industrielle LIFE-01.

Bonjour Thomas, merci de nous accorder de votre temps pour cet entretien. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

J’ai un cursus d’ingénieur technique assez classique,  j’ai fait un DUT en génie énergétique puis un master en génie des systèmes industriels. A mes débuts, je travaillais dans l’entreprise de mon père, qui était d’ailleurs le leader Européen dans la conception et la construction de salles blanches. Puis, j’ai rejoint une autre entreprise comme Directeur du développement où je m’occupais de la R&D et du commerce. Je travaillais toujours sur le traitement d’air, la construction et la conception de salles blanches. Je suis resté à ce poste jusqu’en 2018.

Pourriez-vous nous présenter le projet Life-01 ?

Purificateur d'air ’Element® de Life-01
Le purificateur d’air Element® de Life-01

LIFE-01 est un acteur global de la qualité de l’air intérieur. Nous offrons une solution de santé et de maîtrise de qualité d’air intérieur (QAI) connectée pour tous les environnements habités.

Nos solutions permettent d’optimiser de 10% la performance environnementale des bâtiments, tout en améliorant la qualité d’air intérieur. LIFE-01 conçoit et fabrique en France un objet connecté purificateur d’air qu’elle commercialise, distribue et installe dans les logements, les bureaux, les écoles, les EPHAD, etc…

Comment vous est venu l’idée ?

J’ai toujours voulu créer ma propre entreprise, sûrement parce que mon père et mon oncle étaient des entrepreneurs. Mon frère ainé a également monté sa boite en communication digitale. C’est de famille ! L’idée de Life-01 a muri au fils des années. Lorsque je travaillais avec mon père, je faisais beaucoup de R&D. Nous avons d’ailleurs été à l’initiative de certaines normes et nous avons participé à la création d’un observatoire national de la qualité de l’air en intérieur (OQAI), afin de réaliser des études sur l’impact des contaminants sur la santé.

Life-01 est une entreprise familiale, nous sommes 3 Co-Fondateurs, mon père, mon frère ainé et moi. C’est un projet qui a été longuement travaillé en amont. Nous avons pris le temps de réfléchir aux différents aspects de l’entreprise et nous savions que nous pouvions combiner nos expertises industrielles, techniques et marketing. En 2018 nous avons décidé de sauter le pas et nous avons créé Life-01. L’objectif est de permettre à tous de vivre dans des environnements sains, avec un impact positif sur notre santé et sur l’environnement. En 2018, j’ai créé en parallèle Life Ingénierie et Life Construction (conception et construction de salles blanches),  puis j’ai revendu mes parts en 2021 pour me consacrer uniquement au projet Life-01.

Quelles ont été les phases de développement de votre entreprise ?

L’entreprise a été créée fin 2018 et en 2019, nous avons lancé notre première levée de fonds. En 2020, nous nous sommes attelés à terminer la R&D de Element® , notre premier produit, ainsi que les premiers prototypes et nous avons commencé l’industrialisation. C’est en 2022, lorsque nous avons eu notre première chaine de production qualifiée, que nous avons fabriqué et livré nos 50 premiers produits.

Nous sommes actuellement en phase d’amorçage industrielle de plus grande ampleur, et nous souhaitons installer notre première usine en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Quels sont les freins rencontrés durant votre développement ?

Nous développons un produit hardware et software et il est très difficile de trouver des investisseurs privés (VC) en phase d’amorçage industriel, même si nous avions déjà une très bonne traction commerciale dès notre lancement ! Il manque cruellement d’investissements en fonds propres sur ces phases de développement. D’après notre expérience, il est plus facile de trouver de l’argent public en dette pour innover et industrialiser, mais encore faut-il encore avoir les fonds propres pour faire effet de levier ! L’Etat doit jouer un rôle de premier plan en tant qu’investisseur et pas seulement subventionner…

Quelles solutions pourraient être mises en œuvre pour y remédier ?

Le fonds d’amorçage industriel créé par la BPI est une bonne première réponse. Mais 50M€ c’est trop peu pour des startups industrielles ! Il faut surtout des investisseurs privés (VC) en phase d’amorçage qui comprennent nos besoins et ce qu’est le hardware. Il faut également qu’ils entendent notre volonté de produire en France et d’industrialiser en France. Le CSI France joue pour cela un rôle primordial et je félicite Eléonore Blondeau et son équipe pour leur contribution à faire évoluer l’écosystème dans ce sens.

Quelles sont vos projets ? Vous parlez de première usine ?

Tout à fait, nous faisons du Made in France, nos produits sont assemblés pour le moment en Haute Savoie et 56% des composants sont faits en France. Nous cherchons également à produire localement. La chaudronnerie est proche de nos bureaux, le plastique est fabriqué à Valence.

Notre but est d’internaliser la production dans 2 ans avec le soutien de la BPI dans le cadre de l’appel à projet France 2023 « Première usine ». Nous souhaitons mettre en place un recrutement inclusif. Nous allons embaucher des professionnels de tous niveaux de compétence, et nous allons nous rapprocher d’un ESAT (établissement ou service d’aide par le travail), afin de recruter des personnes en situation de handicap.

Quels sont vos perspectives de développement ?

A court terme, nous sommes actuellement en levée de fonds. Notre objectif est de livrer 1500 produits en 2023 et 2000 en 2025.

Sur le long terme, nous avons une levée de fonds prévue en 2025-2026 afin d’internaliser et d’industrialiser en propre. Notre objectif  est de s’externaliser à l’international : Suisse, Emirat. A cet effet, j’ai rejoint le dispositif du MEDEF qui s’intitule « Définir sa stratégie à l’export » pour nous préparer à l’internationalisation.

De plus, aujourd’hui, nous sommes exclusivement en B2B, nos clients sont des promoteurs immobiliers, gestionnaires d’actifs fonciers, grandes entreprises, calées sur le résidentiel ou le tertiaire, en leasing ou en investissement. Cependant, d’ici 5 à 10 ans, nous espérons nous ouvrir au B2C. Cela dépendra de l’ouverture d’esprit du public sur la purification de l’air. Ce genre de technologie est déjà très répandue en Asie ou dans les pays scandinaves.

Vous vous considérez comme un acteur « cleantech », pourquoi ?

Premièrement, nous contribuons à améliorer la qualité de l’air que nous respirons à l’intérieur. Ensuite, nous sommes classés comme startup à « Impact » par la BPI et lauréats de l’AAP des entreprises engagées dans la transition écologique par l’ADEME.

De plus, nous sommes dans une optique de durabilité. En mettant en place des contrats de leasing de 6 ans, nous récupérons 50% des composants du produit, qui sont réutilisables en upcycling. La partie consommable, c’est-à-dire la cartouche d’épuration, est quant à elle changée tous les 2 ans. Nous envoyons un sac de renvoi au nouveau client et nous récupérons l’ancienne cartouche afin d’en recycler une partie.

Dernière question Thomas, pourriez-vous nous dire, en une phrase, pourquoi vous êtes membre du CSI France ?

En rejoignant le CSI France, nous souhaitions pouvoir mutualiser et partager les problématiques liées aux startups industrielles, et trouver des solutions !

 

Découvrir tous les portraits

 

Note | Financement en fonds propres de l’amorçage industriel innovant en France

Objectif :

Définir les critères d’investissement pour la Création de Fonds d’amorçage industriel à capital patient « FAICP » (min 8 ans) sur le modèle « evergreen » : le ticket d’intervention devra être de 800k€ à 8M€. Les fonds devraient être dotés de 500 à 800M€ pour financer une centaine de projets existants puis une vingtaine de nouveaux par an avec une rotation du capital sur 8 ans.

L’objectif de ces financements est d’accompagner le projet à passer de la R&D/Prototypage à la grande série, c’est-à-dire, accompagner la pré-industrialisation du projet.

Pour rappel, un projet en amorçage industriel innovant peut se définir selon le modèle « 3 / 3 / 3 » :

  • 300k€* pour la R&D / prototypage : phase de recherche qui permet de valider le marché, de définir le cahier des charges fonctionnel puis technique, de concevoir et développer le produit jusqu’à la réalisation d’un prototype fonctionnel appelé « MVP » ou « Démonstrateur ».
  • 3M€* pour la pré-industrialisation : phase d’optimisation du produit tant en termes de coûts, de quantités produites que de fiabilité. Adapter le choix des fournisseurs, adapter le choix des procédés de production, adapter les technologies et méthodes d’assemblage et rédiger toute la documentation. Obtenir les certifications et homologations et respecter les normes. Produire les premières séries « pré-séries ».
  • 30M€* pour la grande série : phase où les objectifs d’optimisation ont été atteints et où l’on décide de reproduire le produit autant que possible en réalisant les meilleures économies d’échelles. Soit en interne, en créant sa propre infrastructure de production, soit via des sous-traitants.

(*ratios permettant de comprendre les ordres de grandeur des tranches de financement pour chacune des 3 étapes de développement)

 

Critères d’éligibilité :

Dans le cadre du processus d’investissement, nous prendrons en compte prioritairement les 9 critères de sélection ci-dessous pour les investissements :

  • présenter un niveau de TRL minimal de 5 (prototype taille réel, en environnement d’utilisation)
  • avoir terminé la phase de R&D/prototypage et entrer en phase de pré-industrialisation
  • proposer une innovation (sociale, technologique, business model, marketing/commerciale, procédé/organisationnelle, produit/service/usage) incrémentale ou de rupture
  • être produit en Europe quand commercialisé en Europe, être produit en Amérique quand commercialisé en Amérique, être produit en Asie quand commercialisé en Asie
  • avoir son siège social dans l’UE
  • détenir sa propriété intellectuelle dans l’UE
  • payer ses impôts dans l’UE
  • mesurer son impact (voir quelle grille de critère simple peut être donnée pour filtrer les projets, cf. la grille de critère modifiée de la commission européenne, et vérifier si elle peut fonctionner dans ce cadre ou l’impact score du Mouvement Impact France par ex. ou voir si BPI France a déjà des grilles existantes ? lesquelles ?)

Nous souhaitons éviter certains plafonds de verre récurrents, en ne retenant pas les critères classiques suivant tels que :

  • un minimum de 1M€ de CA réalisé
  • être nécessairement basé sur une deeptech : technologie de rupture issue de laboratoires de recherche
  • être en co-investissement avec un industriel. Les VC doivent pouvoir entrer au capital sans conditionner leur entrée à celle d’un industriel
  • être dans un consortium (cela suppose un partage d’IP)
  • présence obligatoire de brevet(s) ==> parfois le secret ou le savoir-faire ont plus de valeur ! (cc Coca-Cola)

 

Performance du fonds :

L’objectif du Fond en termes de performance financière brute pour les investisseurs est un multiple brut (donc calculé par rapport aux sommes investies, hors frais) de 2 et un TRI brut de 12,2% (taux de rendement interne équivalent à la rentabilité annuelle).

L’objectif de performance nette (donc cette fois calculée sur les montants appelés, frais de gestion compris) est basé sur un multiple net de 1.6 et un TRI net de 10,6 %.

Cet objectif pourra être atteint en 50% de parts de capital et 50% d’OC (pricing à déterminer). Nécessité que les OC soient reconnus comme « fonds propres » par les partenaires bancaires. Envisager une garantie BPI de 50% sur le montant global levé ?

Exemple : FAIM

 

Montage financement du fonds :

  1. BPI France devrait « lancer le mouvement » en opérant elle-même un fonds de capital risque, non sectorisé.
  2. Rassembler des corporates dans des fonds de fonds opérés par une société de gestion « indépendante » afin que les corporates n’investissent pas directement dans les projets mais indirectement. Les corporates impliqués pourraient en parallèle proposer la mise à disposition de leurs compétences en industrialisation via des prestations de conseil à destination des projets financés, sans obligation pour les projets d’y recourir (ex : Toschiba, Bosch, Michelin…).
  3. Chaque filière industrielle devrait avoir un fonds dont 20% serait réservés aux startups industrielles en phase de pré-industrialisation. Les 80% restant pouvant être orientés pour les startups industrielles en « phase grande série », PME et ETI en transformation.

La réflexion sur le véhicule doit consister à se demander : comment s’appuyer sur l’existant pour répondre aux besoins spécifiques de la pré-industrialisation ?

  • Partir du véhicule le plus usité en capital-investissement, le FPCI, et réfléchir à comment l’améliorer : étendre sa durée de vie (augmenter la durée de blocage de rachat des parts des souscripteurs), prévoir une tranche evergreen pour réinvestir une partie des produits de cessions ;
  • Monter une SLP evergreen avec : période de lock-up (blocage de rachat des parts), remboursement des parts échelonné de façon régulière dans le temps, mécanisme d’incentive des détenteurs de parts, etc.
  • Au fonctionnement de ces véhicules peut s’articuler aussi le montage d’une fondation actionnaires, ce que regarde actuellement, pour assurer une protection et une pérennisation du capital à investir.

Le sujet porte davantage dans le montage d’un véhicule d’investissement avec une formule juridique et une mécanique économique adaptés à l’environnement institutionnel (acculturation forte des souscripteurs à des structures de type FPCI) et à la réalité industrielle (forts CAPEX en pré-industrialisation, temps de développement parfois long, cycles de vente rallongés, etc.) qu’à la réflexion sur les instruments.

Car cette dernière réflexion consistera davantage à valider les composantes quasi-fonds propres (venture debt, obligations convertibles, …) dans la thèse d’investissement.

Enfin, la dimension territoriale d’un tel véhicule ne doit pas être obérée. L’enjeu peut consister à développer aux échelles régionales des fonds d’amorçage industriel.

Exemples : 2050, Terre&Fils, FAIM

 

Gouvernance du fonds :

Avoir un Comité Consultatif composé d’entrepreneurs industriels et/ou « cadres industriels » (directeur.rice industriel.le, CTO, responsable bureau d’études, responsable achats…). Ce Comité se réunit tous les 3 mois pour donner son avis sur les deals en cours d’étude et s’assurer de la cohérence des projets avec la thèse d’investissement. Le Comité recevra au moins 7 jours à l’avance l’executive summary des projets qui seront discutés lors du Comité.

L’équipe de gestion doit avoir la culture industrielle des fonds capdev et la culture du risque des fonds d’amorçage.

 

Retrouvez l’ensemble des propositions du CSI France dans notre Manifeste des solutions disponible sur www.csifrance.fr.

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